Ferments naturels pour fromages paysans

Publié le 18/04/2024
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Une éleveuse de chèvre et un éleveur de vaches qui fabriquent leurs fromages et sont membres du Civam du Finistère nous expliquent l'art et les intérêts d'utiliser les ferments naturels.

Une émission mensuelle de Lem, la quotidienne, réalisée en partenariat avec le réseau Civam du Finistère 

Réécoutez l'émission précédente sur la fabrication du fromage avec le Civam du Finistère

Pouchig (Amélie Gloaguen) se lance dans l'élevage de chèvres avec transformation du lait en fromages à Plougastel-Daoulas. Charly Ilpide, président du Civam du Finistère, élève quant à lui des vaches pie-noires depuis une dizaine d'années  et transforme leur lait en fromages frais ou affinés, beurre et gros lait.

Le Civam du Finistère propose régulièrement des formations depuis sa création dans le Finistère et le réseau compte toujours une quinzaine de paysannes-fromagères et paysans fromagers. 

Le ferment pour faire cailler le lait et le conserver plus longtemps

Fabriquer du fromage est en effet tout un art. Déjà, le lait ne doit pas être trop gras, mais riche en protéines ; le lait de vache doit souvent être écrémé, celui des chèvres non. L'alimentation des animaux va ensuite influer sur le goût des produits laitiers.

Et puis et surtout, la naissance du fromage tient au ferment : il acidifie le lait pour que la présure le coagule ; dans le cas du beurre, la fermentation permet de séparer l'eau du gras. Les humains utilisent la fermentation depuis la nuit des temps car celle-ci permet de conserver le lait ; ce sont des bactéries qui travaillent.

Des ferments industriels pauvres et qui s'épuisent au fil du temps

Les ferments industriels sont nés quand on a commencé à pasteuriser le lait pour des raisons de sécurité sanitaire en raison des volumes traités par l'industrie. Or, la pasteurisation tue les bactéries naturellement présentes dans le lait et responsables de la fermentation ; il faut donc ré-introduire les ferments dans le lait pasteurisé pour permettre sa transformation. Plusieurs ferments ont été sélectionnés en laboratoire selon les types de fromages mais ils sont totalement contrôlés par leurs fabricants, des entreprises spécialisées. À force de sélectionner les souches de ferments, on a perdu leur origine et si ces ferments industriels perdent en efficacité au fil des années on ne peut plus retrouver les micro organismes de départ. Cela commence d'ailleurs à poser problème dans l'industrie fromagère.

La production des ferments naturels, un second élevage

Pouchig et Charly travaillent avec les ferments naturels de leur troupeau ; "c'est comme un second élevage" confie Pouchig. Chaque animal va "récolter" partout dans la ferme des bactéries en tout genre et son lait va donc générer des ferments naturels. Pour commencer, l'éleveuse ou l'éleveur garde une portion de lait (cru) de chaque animal dans un pot maintenu entre 20 et 25 degrés et attend 48h. Si la fermentation débouche sur un résultat satisfaisant, le lait caillé est utilisé (en partie) pour faire cailler un autre lait ; il faudra ensuite garder une partie de ce lait fermenté pour ré-ensemencer le lait de la traite suivante, etc. Cela s'appelle le repiquage. Il faut qu'il soit quotidien car le ferment naturel ne se conserve pas vraiment. Cela suppose une fabrication de fromages chaque jour. Mais sinon, comme pour le levain du boulanger, le repiquage d'un ferment naturel est potentiellement éternel, ce qui n'est pas le cas pour un ferment industriel.

C'est un des avantages de travailler avec ses ferments naturels : les économies liée à l'autonomie. L'éleveuse ou l'éleveur n'a pas besoin d'acheter (régulièrement) ses ferments industriels. On sait aussi exactement d'où viennent les ferments qu'on fabrique - un peu comme les semences pour les productions végétales - ce qui n'est pas le cas pour les ferments industriels. 

Le savoir-faire et l'expérimentation fromagers

Ce qui détermine la qualité d'un ferment naturel, c'est notamment la rapidité avec laquelle il fait cailler le lait et son action dans la durée : formation de la croute, texture de la pâte... Avec un même ferment, on peut obtenir aussi bien une tome qu'un fromage crémeux. Tout dépend ensuite du travail du fromager : égouttage, pressage, affinage (température et hygrométrie de la cave), salage, lavages éventuels de croute, retournement du fromage, etc. Tout est donc question de savoir-faire. Les saisons, l'alimentation des animaux feront aussi évoluer la qualité du lait et donc celle des fromages obtenus. 

La passion conduit les paysannes et paysans à expérimenter sans cesse pour créer de nouveaux produits. La diversité des bactéries des ferments naturels leur permet de façonner des fromages de toutes sortes pour séduire tous les palais. Parfois une erreur de fermentation peut être fructueuse et générer un fromage qui intéresse la clientèle ...